Lundi 28 Août 1944

A La Batie-Rolland, dés la pointe du jour, les Fridolins lancent une contre-attaque. Les Alliés n'ont que le temps de se replier et les malheureux civils de fuir à nouveau. Deux d'entre eux paient de leur vie ce dernier sursaut des Nazis. Ces derniers ont, au cours de ce combat, une vingtaine de morts et de blessés.

A Montélimar, pris en tenailles entre les troupes de la 3ème D.I.U.S. du Général O'Daniel au Sud et ceux de la 36ème D.I.U.S. de Dahlquist au Nord, renforcées par l'ensemble des F.F.I. engagés dans le secteur, les derniers Boches sont écrasés. Une trentaine sont tués, beaucoup sont blessés, les autres se rendent. Montélimar est libéré treize jours après le débarquement en Provence.

A Marseille, la 244ème Division et la Kriegsmarine commence à se rendre à partir de 13 heures. Dix-sept mille hommes, dont les Généraux Schaeffer et Neuling sont faits prisonniers. En tout, en Provence la 1ère Armée Française commandée par le Général De Lattre de Tassigny a fait à elle seule, trente sept mille prisonniers, dont sept cent officiers.

A Toulon, les combats prennent également fin. Les hommes de la Kriegsmarine de la presqu'île de Saint-Mandrier se rendent avec leur chef, l'Amiral Ruhfus ayant accompli leur mission de retardement et rendu inutilisables toutes les installations portuaires.

Au Nord de Montélimar, la bataille continue sur tout le parcours du repli. C'est un véritable carnage. Plus de deux cent cinquante Allemands sont tués. Des milliers de blessés se traînent sur la RN7 en ce jour néfaste pour la XIXème Armée Allemande. Entre les embuscades et les bombardements tant terrestres qu'aériens les troupes Allemandes sont décimées.

A Romans, prés de Meymans, la matinée se passe sans événement notable. La faim les tenaillant, des gars sont partis à la recherche de ravitaillement dans les fermes environnantes. A midi, "Hervieux" arrive au P.C. de "Thivollet".

Au début de l'après-midi, Jury demande à "Calva" de trouver un cantonnement pour le 2ème Peloton. Avec l'expérience qu'il a acquise précédemment, "Calva" s'éloigne avec son sac et son fusil. Il sait qu'il faut toujours être prêt à toute éventualité. Soudain, des tirs de mitrailleuses attirent son attention. Deux chars Tigre MIII, sont en patrouille de chaque côté de l'Isère. Ils sont suivis par quelques automitrailleuses. Maurice Guillermont, qui n'est au Peloton que depuis deux jours, est de garde. Apercevant les blindés ennemis débouler, il part en courant prévenir ses camarades. Hélas, les Boches l'on vu et une longue rafale de mitrailleuse le tue net. Il est enterré sur place.

Quant à "Calva", il est en train de traverser des vignes. Il aperçoit des types qui courent entre les ceps vers lui. Est-ce des Boches qui attaquent ? Ou des Français qui se replient ? Dans l'incertitude, comme il a déjà été échaudé dans le passé, il préfère mettre de la distance entre les arrivants et lui. Et il se replie en vitesse vers Jaillans.

Les blindés ennemis sont sur la RN532. Ils passent l'Ecancière et poursuivent leur route vers Saint-Nazaire-en-Royans. Le P.C. se replie sur la Baume-d'Hostun.

FABRE, un jeune motocycliste, se dirige vers le P.C. de "Thivollet" à la Baume-d'Hostun. Il bute sur les blindés Boches. Il fait demi-tour sur place afin d'avertir ses copains qui tiennent un barrage à la sortie de Saint-Nazaire. Après quoi, malgré la force blindée ennemie, il tente de remplir sa mission; il réussit à éviter le char de tête, mais est poursuivi par une automitrailleuse qui lui tire dessus. Blessé au bras, il fait une chute et malgré sa blessure, parvient à échapper à ses poursuivants.

Peu de temps après, prés du lieudit "Les Fauries", non loin de la Baume-d'Hostun, trois Cuirassiers de l'Escadron Bourgeois se font allumer par la même patrouille. L'un d'entre eux, "Montanet" (Louis Amadéo) est tué par un obus.

Les blindés Allemands continuent leur route et arrivent au croisement de la D125 et de la D532. Ils se placent en quinconce à ce carrefour pour établir un bouchon.

Vers 19 heures 30, une des automitrailleuses se déplace. Elle s'embosse deux cents mètres plus loin, en avant de l'embranchement, en haut d'une côte d'où elle peut surveiller beaucoup mieux la route.

Le matin de ce 28 Août, "Paquebot", qui parle anglais, tout désigné pour faire la liaison avec les Américains, est parti pour Grenoble en voiture avec son grand ami Victor Boiron et un chauffeur.

Au retour de Grenoble, en arrivant au haut de la côte, Boiron qui conduit la voiture, s'aperçoit de la présence de la chenillette des Panzergrenadieren. Il freine brutalement, mais il est beaucoup trop tard. Les Chleuhs tirent à la mitrailleuse. Les trois hommes parviennent à se dégager de la voiture en flammes et ripostent, un Boche est tué.

"Paquebot", toujours handicapé par ses blessures reçues à Vassieux, marche encore avec une canne. Il retarde son compagnon qui ne veut pas l'abandonner. Ainsi, à environ cent cinquante mètres de la voiture en feu, ils sont tous les deux atteints. Boiron a un bras emporté. "Paquebot" est touché à la nuque. Quant au chauffeur, blessé au pied, il se réfugie derrière un rocher et échappe aux recherches. Les corps des deux Patriotes sont fouillés par les Allemands descendus de leur chenillette. Ils ne trouvent aucun papier important car "Paquebot" a eu le temps et la présence d'esprit de s'en débarrasser avant d'être touché (ces papiers auraient été retrouvés et remis à "Thivollet").

Une demi-heure plus tard, les Fritz quittent les lieux et retournent vers Romans. Comme quoi la vie dépend de peu de choses. Le manque de moyens antichars nous aura coûté très cher.

Comme la nuit tombe, "Calva" rejoint la Baume-d'Hostun où on lui offre le vivre et le couvert.

Le soir de ce même jour, Jury avec son 2ème Escadron se replie sur un moulin. Il reçoit l'ordre d'organiser la défense du défilé de Saint-Nazaire avec Bagnaud et Gérard Marchand.

A la Baume-d'Hostun, nous parvient dans la soirée, la tragédie de Saint-Bonnet-de-Mure (Rhône). Une unité de Maquisards provenant du Maquis d'Ambléon, petite localité construite sur la D24 qui relie Conzieux à Bellay (Ain) par la D41, est venue à la Tour-du-Pin. Cette unité très indépendante, refuse obstinément de se placer sous les ordres de "Chabert" (Cdt Bousquet) qui est normalement le chef du secteur d'opérations. Malgré des mises en garde répétées du commandant local, elle se dirige vers Lyon. Arrivée à Saint-Bonnet-de-Mure, non loin de Saint Priest, elle se heurte aux blindés de la 11ème Panzer et finit par être encerclée. Malgré l'intervention de "Durieu" et de ses chasseurs alpins (du 6ème BCA) alertés par le bruit de la bataille, trente cinq gars sont faits prisonniers et immédiatement fusillés sur place. Les Boches n'ont eu que deux tués. Les quelques survivants de cette tragédie sont incorporés au 6ème BCA.

Pour cette journée, les pertes Américaines s'élèvent à une vingtaine de morts. Celles des Résistants, auxquelles sont ajoutées celles des civils, également à une vingtaine. Sans compter les Maquisards d'Ambléon.

A Miribel-les-Blacons, prés de Crest, la D.C.A. Américaine abat un des rares appareils Allemands encore dans le ciel. Son pilote est tué.

Mardi 29 Août 1944

De retour de Moirans (prés de Grenoble où se trouve le P.C. du Colonel Américain Davidson), le S/Lt Chazalon arrive au P.C. de "Thivollet" à la Baume-d'Hostun vers les 3 heures du matin. Parti, dans une camionnette avec l'intention de rapporter des munitions, principalement des obus de bazooka; il en revient uniquement avec des ordres. Les Américains ont décidé d'attaquer Romans dés le début du jour et comptent sur les F.F.I. de "Thivollet" pour les aider dans leur progression.


Romans fin août 44

Dés 7 heures du matin, l'aviation Alliée se manifeste au-dessus de Romans. A 9 heures, c'est au tour de l'artillerie Américaine d'effectuer des tirs de réglage sur la cité Nadi, avec ses batteries de 155, ainsi que sur la route de Saint-Paul et sur celle de Génissieux aux sorties de Romans. A 9 heures 20, les tirs s'effectuent à cadence rapide, par salves de 20 obus.

En fin de matinée a lieu l'inhumation du Capitaine "Paquebot", de Boiron et de "Montanet", tués la veille. Leurs corps sont mis en bière et enterrés à la Baume-d'Hostun.

Le jeune motocycliste Dédé rentre au P.C. Par contre nous sommes toujours sans nouvelles de Goeppe et Villate du 1er Escadron. Ils étaient avec "Montanet" quand celui-ci a été tué.

15 heures 30, le P.C. de "Thivollet" se déplace de la Baume-d'Hostun vers Bois-Vert. "Calva" suit le mouvement. Une heure plus tard, à l'occasion d'une liaison entre le P.C. de "Thivollet" et celui de Jury qui se trouve au moulin, il rejoint le 2ème Escadron.

Sur ordre de "Thivollet", une reconnaissance est faite vers l'observatoire situé au Nord-est de Papelissier. Un char et des fantassins Américains y attendent des ordres. L'artillerie allonge son tir. Vers 19 heures, l'observatoire est repéré par les Fridolins qui font un arrosage d'obus de 77. Heureusement ce dernier n'occasionne aucune perte dans les rangs des Alliés.

Le groupe "Georges" met à disposition du 11ème Régiment de Cuirassiers un canon de 25mm avec deux cent obus, ainsi que des munitions de F.M..

Le Lt "Raymond" part faire une liaison chez le Colonel Davidson. Entre-temps, celui-ci a déplacé son P.C. de Moirans à Saint-Paul-les-Romans, tout prés du 2ème Escadron. Sur ordre de "Thivollet", répercuté par Jury, les anciens du 2ème Peloton font une patrouille en direction de Pizançon. Apparemment, le barrage n'a subi que peu de dégâts; seul un trou net et peu important laisse suggérer soit un impact d'obus, soit une tentative avortée de le faire sauter. Malgré la nuit noire, nous penchons plutôt pour la première hypothèse car, nous savons que les artificiers Allemands sont des experts en la matière.

Vers 23 heures, le Lt Chazalon part faire une liaison au P.C. de "Legrand" à Montclar-sur-Gervanne. De là, il se dirige vers Crest, P.C. du Colonel Steel qui commande le 141ème Régiment d'infanterie U.S.. Mais, peu avant, celui-ci a transféré son P.C. à Chabeuil. Finalement, le Lt Chazalon parvient à remplir sa mission.

Dés le début de ce jour, les Fridolins relancent leurs contre-attaques afin de pouvoir poursuivre leur retraite vers le Nord. Naturellement, il s'ensuit de très nombreux accrochages, tant avec les Américains qu'avec les Maquisards. Les convois qui remontent vers Lyon sont pilonnés par l'artillerie de trois Divisions; celles de Dahlquist, de Butler et de la 1ère DFL qui s'applique à détruire, par dessus le Rhône, le maximum de la XIXème Armée qui se replie sur la RN7. Malgré les pertes énormes, les mitraillages de la chasse et les bombes Alliées, les forces Allemandes se replient sous la protection des blindés du Général Von Wietersheim qui se dépensent sans compter.

Si à la tête du mouvement de repli, ainsi que dans le corps de cet ensemble, un certain ordre est respecté, il n'en est rien à l'arrière; cela tient plus à une débandade qu'à une retraite organisée De nombreux Allemands qui essayent de regagner la Mère-Patrie par leurs propres moyens, se font tuer ou sont faits prisonniers, très souvent loin des axes principaux de repli, par exemple dans le Diois et dans les Baronnies.

En gare de Valence, stationne un wagon de nitroglycérine. Dans leur hargne, les Frisés le font sauter. La population Valentinoise, pourtant déjà fortement éprouvée, est à nouveau terriblement meurtrie. Elle déplore seize tués et plus de deux cent blessés. De plus, les dégâts, dus à l'explosion, sont énormes.

Faisant partie des troupes de Chabert qui progressent vers Lyon, le Cdt "Mariotte" contourne le bourg delà Verpillère en empruntant les hauteurs Sud qui longent la RN6 Bourgoin-Lyon. Tandis que le Cdt "Ivanoff" suit la RN6. De sérieux accrochages se produisent à Jallieu, à Saint-Quentin-Fallavier, à Bonnefamille et à la sortie de Saint-Laurent-de-Mure.

A Chanas, sur la RN7 au-dessous de Vienne, une colonne blindée ennemie escorte un important convoi. Celui-ci est précédé par un side-car. Des Patriotes en embuscade culbutent le motocycliste et son passager. Aussitôt, les Fritz débordent la position par les champs qui longent la D519, font prisonnier le conducteur Français qui attend ses copains au volant de son véhicule. Ils fouillent les habitations des alentours en progressant jusqu'à Agnin à 5 kilomètres de l'embuscade. Là, ils arrêtent dix-sept civils innocents qu'ils prennent comme otages. Ils font entrer ceux-ci dans une grange du lieudit "Aux Guyots", un petit hameau situé au Nord de Chanas, les abattent à la mitraillette et mettent le feu à la grange. Avant de se retirer définitivement, ils abattent encore deux civils qui ont le malheur de se trouver sur leur chemin.

Outre toutes ces victimes, une trentaine de soldats Français et sept Améri¬cains trouvent la mort au cours de cette journée.

Coté Allemands, la journée du 29 Août 1944 est la plus lourde depuis le début de leur retraite : on dénombre plus de deux cent vingt tués et plusieurs milliers de blessés non évacués qui, pour la plupart, iront grossir le nombre des tués, un matériel abandonné tellement important que la circulation devient difficile, sinon impossible par endroits.

A Toulon, le calme règne. A Marseille, à l'instigation du Général de Goislard de Monsabert, une Messe d'Action de Grâce est célébrée à Notre-Dame-de-la-Garde en présence des autorités Civiles, Militaires et Religieuses. Sur le Vieux-Port, en présence d'une foule en délire, la Nouba du 7 ème R.T.A. ouvre le grand défilé des F.F.L. et des F.F.I. devant le Général Jean de Lattre de Tassigny, commandant de la 1ère Armée Française et du Général Goislard de Monsabert commandant la 3ème D.I.A.

Toute la nuit du 29 au 30 Août 1944, le Général Allemand Wiese fait activer le retrait de ses troupes de Romans.

Mercredi 30 Août 1944

Le plus gros des troupes Allemandes a dépassé Montélimar. Malgré tout, il reste au Sud de cette ville, des retardataires qui remontent la RN94 entre Nyons et les Pilles. Ils se trouvent accrochés à Aubres par les hommes de la 13ème Cie commandée par le Capitaine Matout. Ils ont une dizaine de combattants hors de combat. Empruntant la D185, une autre colonne essaye d'aller de Mirabel-aux-Baronnies à les Pilles où elle espère passer l'Eygues. Mais, à Châteauneuf-de-Bordette, elle se heurte à la 7ème Cie du Capitaine Bonfils.

La première colonne atteint La Bonté sur la D70 et remonte vers le Nord en direction de Condorcet-Saint-Ferréol-Trente-Pas, en longeant le Bentrix. La deuxième parvient à forcer le passage et réussit en suivant la Bordette, à arriver au lieudit Les Pilles où elle franchit l'Eygues. Elle suit ainsi la première colonne qui lui ouvre maintenant la route. Ces deux colonnes n'en font plus qu'une qui tente d'arriver à Crest en passant par Bourdeaux. Elle s'engage dans le défilé de Trente-Pas. Au passage de l'Estellon, elle a à combattre les Patriotes du Groupe Franc, fort de soixante dix hommes seulement, commandé par le Lt Rive. Après avoir franchi le col de La Sausse et passé Bouvières, les Fridolins tombent dans une autre embuscade à Guisa, tendue par la 14ème Cie du Lt Apostal. Au cours de ces combats et malgré leur courage, les Allemands sont visiblement sonnés. Cependant, grâce à leur homogénéité et à leur volonté de vaincre, les rescapés parviennent à passer.

Sur la route de Saint-Marcel-les-Sauzet, au Nord de Montélimar, Maquisards et Américains se heurtent aux Boches. Un soldat Yankee est tué.

A Marsanne, la 17ème Cie du Cpt Vallières s'oppose avec une énergie farouche à des éléments Allemands qui essayent de forcer le passage.

A Valence, "Legrand" lance une attaque à laquelle participe la 1ère Cie. Au cours des combats pour prendre la ville, cette compagnie perd deux hommes. Faits prisonniers, ils sont immédiatement fusillés par les Nazis. Les Américains eux, ont neuf tués et une quinzaine de blessés. Malgré la violence de l'attaque Alliée, les Fritz résistent remarquablement et réussissent à poursuivre leur repli.

L'aviation et l'artillerie Américaine matraquent sans cesse la RN7. Elle causent des pertes sensibles aux Allemands qui, pour se soustraire à ces bombardement empruntent les routes secondaires. La RN7 est jalonnée d'épaves nouvelles. Par contre, les troupes Allemandes qui empruntent la RN532, sont beaucoup plus épargnées et remontent plus facilement vers Romans.

Pourtant, sur la D538, entre Chabeuil et Montelier, un convoi ennemi tombe dans une embuscade tendue par la 5ème Cie du 2ème Bataillon du Cdt "Georges". Ce dernier a, hélas, un tué et trois blessés au cours de cet accrochage.

Malheureusement, si l'aviation et l'artillerie Américaine font d'énormes ravages dans les rangs Allemands, elles n'épargnent pas la population civile. La liste des victimes innocentes s'allonge de jour en jour.

De l'autre côté du Rhône, sur la RN86, la 1ère D.F.L. piétine en attendant toujours le ravitaillement en essence de ses blindés. Le ravitaillement effectué, les chars légers de reconnaissance des Fusiliers-Marins foncent vers le Nord en direction de Lyon. Hélas, ils s'arrêtent tout aussi rapidement pour attendre un autre approvisionnement en carburant qui tarde à arriver. Les chars "Lights", s'ils sont légers, n'en sont pas moins de gros consommateurs de carburant.

A leur tour, sur la RN7, la 1ère D.B. Française, ainsi que la 3ème D.I.U.S. poursuivent, sur leurs talons, les Boches qui se replient, elles aussi freinées par manque de carburant. L'absence d'un grand port en fonctionnement en est la cause. Le nombre de camions citernes faisant la navette entre la côte et les zones de combat a beau être impressionnant, il ne suffit pas. En plus, ces véhicules de transport sont obligés de garder une petite réserve de sécurité pour leur propre consommation. La logistique ne suit plus. Les Armées Françaises et Américaines ont progressé beaucoup plus rapidement que l'Etat-major l'avait prévu.

Heureusement que les Maquis sont maîtres de la RN86. Le fait qu'aucun pont ne permet de traverser le Rhône, permet aux Boches d'être couverts sur leur flanc gauche. Ils n'ont aucune crainte à avoir en d'éventuelles contre-attaques venant de l'autre rive. Bien entendu, il en va de même dans l'autre sens pour les F.F.I. et F.F.L..

Au 11ème Cuir, l'Adjudant-chef Valère qui commande le Service-Auto, installé au château de Maurras, vient confirmer qu'il n'a perdu aucun véhicule.

Vers les 9 heures, le Lt Chazalon qui a réussi à entrer en contact avec Steel informe "Thivollet" que les Américains qui attaquent Romans par le Sud ignorent que, depuis 24 heures, Davidson lui-même attaque la ville par l'Est.

Dans le milieu de la matinée, les Escadrons de Bourgeois et de Gérard Marchand se regroupent aux environs de Meymans. Avant midi, la liaison étant définitivement établie avec les troupes Américaines, les Escadrons se mettent en marche sur Bourg-de-Péage et Romans. Tous les dix mètres et colonne par un, de chaque côté de la route, le 2ème Escadron, après avoir traversé le barrage de Pizançon, avance vers le centre-ville. Si les dégâts occasionnés sur le barrage de Pizançon sont insignifiants, il n'en est pas de même pour les deux ponts qui relient Bourg-de-Péage à Romans. Ils n'existent plus. Heureusement que Pizançon nous reste pour assurer le trafic routier.

Nous passons devant la caserne totalement brûlée. Arrivés devant le collège, nous constatons qu'il a subi le même sort, ce qui nous oblige à cantonner sur le cours Gambetta. Nous sommes suivis par d'autres escadrons précédant les troupes Américaines. Le P.C. se réinstalle chez LACOUR où il retrouve ses archives répandues au sol, mais récupérables.

Des civils nous signalent que les Frisés, avant de se retirer, ont brûlé beaucoup de maisons. Afin d'éviter les pillages, le commandement nous fait patrouiller dans Romans. Nous réorganisons des tours de garde, car on ne sait jamais ce qui peut arriver. Nous devons être prêts à toute éventualité.


Le Pont Vieux de Romans/Bourg de Péage

Jeudi 31 Août 1944

Attaque et prise de Valence :

Une opération de grande envergure est montée par "Legrand" afin de libérer définitivement la ville de Valence, occupée par des éléments retardataires. A la première heure du jour, trois colonnes se mettent en marche côté Est de la ville, tandis que les Maquis de l'Ardèche gagnent leurs positions de départ côté Ouest, sur la rive droite du Rhône.

La 1ère Colonne comprend les Cies suivantes :

3ème Cie du 2ème Bataillon commandée par le Lt Chrétien,
4ème Cie du 2ème Bataillon commandée par "Sanglier" (Cpt Planas),
5ème Cie du 2ème Bataillon commandée par "Monmon" (Lt Sabatier) ,
9ème Cie du 3ème Bataillon commandée par le Cpt Morin.

La 2ème Colonne comprend les unités suivantes :

6ème Cie du 2ème Bataillon commandée par "Ben" (Cpt Brentrup),
8ème Cie du 2ème Bataillon commandée par Kirsch,
9ème Cie du 2ème Bataillon, un Peloton commandé par le Lt Perrin.

La 3ème Colonne comprend les unités suivantes :

1ère Cie du 2ème Bataillon commandée par "Roger" (Lt Maisonny),
2ème Cie du 2ème Bataillon commandée par le Cpt Chapoutat,
un Peloton du 2ème Bataillon commandée par le Lt Wap,
7ème Cie du 2ème Bataillon commandée par "Pierre" (Lt Challan-Belval),
10ème Cie du 2ème Bataillon commandée par "Popaul" (Cpt Pons),
4ème Cie du 3ème Bataillon commandée par le Cpt Péquiniot.

Comme on peut s'en apercevoir, le plus gros des forces qui participent à cette opération est constitué par le 2ème Bataillon commandé par "Antoine" (Cdt Benezech), blessé le 24 Août au carrefour des trois Bûches sur la D535A, prés de Valence et toujours couvert de pansements.

Accompagné par son adjoint "Ben" et quelques Résistants, ils viennent de Montvendre et se dirigent vers Valence, lorsqu'à Malissard, ils sont interceptés par un barrage Américain. Après s'être fait reconnaître, ils poursuivent leur route. Ils vont emprunter la D538A quand brusquement, ils sont entourés et arrêtés par des soldats en armes. L'un d'eux demande la direction de Lyon. "Bob" descend de voiture pour lui donner des renseignements. C'est alors qu'il s'aperçoit qu'il a affaire à des Boches. Etant Lorrain de naissance, il parle Allemand. Il leur indique la route de Malissard afin qu'ils tombent sur le barrage Américain. Les Allemands disparaissent dans la nuit. "Ben" et les siens prennent position et ils attendent que le combat s'engage avec les G.I.. Ils ont espoir de les prendre à revers. Mais rien ne se passe. Las de cette guerre qui, pour eux, est interminable, ils se sont tout simplement rendus aux Américains. "Ben" et "Antoine" reprennent place dans leur voiture et remontent toute la colonne pour se porter en tête, direction Valence.

Les gars de "Ben" ont récupéré des voitures pris aux Fritz. Exténués par des marches et contre-marches, des Allemands, reconnaissants les véhicules de leur Armée, sautent sur les marchepieds et sont faits prisonniers.

Ainsi qu'il en a été convenu avec les commandants des Maquis de l'Ardèche, "Bob" envoie une fusée pour prévenir du début de l'attaque. Le jour se lève. Abandonnant leurs véhicules, la progression des Maquisards se fait à pied, de chaque côté de la route.

La Cie pénètre dans Valence par les rues du Pont-du-Gât, des Faventines et des Alpes. La veille, deux combattants de la 1ère Cie du 2ème Bataillon de "Roger" (Lt Maisonny), Charles Gois et Claudius Laville, faits prisonniers, ont été fusillés dans le haut de la rue des Faventines.

Au cours de ces combats, quatre Allemands dont un officier et neuf Américains sont tués.

Toutes les colonnes sont en mouvement. Sur le boulevard, des Frisés, morts de fatigue, roupillent sur les bancs. Ils sont faits prisonniers sans combattre. Des accrochages se produisent du côté du Champ de Mars. Une prolonge d'artillerie est récupérée et ses servants sont faits prisonniers par la section "Martin". Les combats s'engagent dans toute la ville et ses abords. Dans divers points de résistance de la Wehrmacht, ils deviennent très sévères. Malheureusement, des Milices Patriotiques interviennent, s'interposent entre les combattants, certes avec courage, mais leurs actions gênent considérablement les Compagnies F.F.I.. En s'interposant, ces Milices se trouvent en plein champ de tir.

Dans un dernier sursaut, l'ennemi essaie de se dégager. Ecrasé par la supériorité numérique des Maquisards de la Drôme et de l'Ardèche, dans un combat de rue où les combattants utilisent un armement à peu prés d'égale valeur, les Fridolins sont bien obligés de se rendre. Quatre cents d'entre eux sont faits prisonniers. Du côté F.F.I., on déplore trois tués à la Cie "Popaul" et une dizaine de blessés. Quant aux Allemands, il y en a qui gisent un peu partout.

A 7 Heures 30, le feu cesse. A 8 heures, "Legrand" et son Etat-major installent leur P.C. à l'hôtel de la Croix-d'or et à 9 heures, les premiers blindés Américains viennent renforcer les troupes Françaises.

Plusieurs ennemis seront encore abattus dans la Drôme, et des fuyards faits prisonniers, cependant que les combats se déplacent vers le Nord.

"Bayard" a donné l'ordre à "Chabert" de se tenir prêt à intervenir à Lyon, sur la rive gauche du Rhône. Au moment venu, avec le soutien du groupement "Thivollet", il devra participer à la libération de la ville et de l'Isère.

A l'Ouest de Lyon, ce sera la mission des Maquis des départements de l'Ardèche et du Rhône. Ils seront soutenus par un groupement de la 1ère D.F.L. dont le 1er Régiment de Fusiliers-Marins qui remonte la rive droite du Rhône aussi rapidement que l'approvisionnement en carburant le lui permet.

L'arrière-garde de la XIXème Armée Allemande est attaquée sans répit et le repli de celle-ci se transforme en véritable débandade. A Simandres, à Vilette-d'Anton, au cours de plusieurs engagements, des Nazis tombent. A Puzignan, au Nord-ouest de l'aérodrome de Lyon-Satolas, les Patriotes du Bataillon Henri Barbusse, passent à l'attaque à leur tour.

A quelques jours de la chute probable de Lyon, le point de la situation est à faire. Les ordres de "Bayard" sont formels : Il faut attendre maintenant que le plus gros des forces adverses ait évacué Lyon pour libérer définitivement la ville. "Bayard" veut éviter des destructions et des morts supplémentaires et inutiles.

Préconisée par "Joseph" (Général Zeller), la manœuvre de débordement par les Alpes opérée par les troupes Américaines, soutenue par les Maquisards, a réussi. Malheureusement le Général Patch n'a pas mis les moyens suffisants pour écraser complètement et définitivement la XIXème Armée du Général Wiese. D'autre part, celui-ci s'est avéré un très grand stratège et les divisions Allemandes se sont montrées bien plus aguerries que les Américains. Bien évidemment, les Américains grâce à leur supériorité aérienne écrasante, ont infligé des pertes importantes à l'ennemi.

L'action conjuguée de toutes les forces Alliées (F.F.L., F.F.I., Troupes Américaines) a permis d'anéantir la presque totalité du 62ème corps du Général Neuling; la 244ème Division du Général Schaeffer; la 338ème Division de Volksgrenadieren et mettre à mal la 11ème Panzer ainsi que les 198ème et 189ème D.I.. Le Général Otto Richter commandant la 198ème D.I. a été fait prisonnier ainsi que les Généraux Neuling, Schaeffer et d'autres. En quinze jours, la 1ère Armée Française a fait plus de trente-sept-mille prisonniers, tandis que le 6ème Corps d'Armée Américain en a fait plus de deux-mille-cinq-cent et les F.F.I. plusieurs milliers. Avec l'aide de l'aviation Alliée, plus de cinq mille véhicules ennemis ont été détruits. La quasi totalité de la cavalerie Allemande qui servait au transport par chariots, n'existe plus. De nombreux chars et canons ont été rendus inutilisables. De très nombreux Allemands ont été mis hors de combat. La ville de Grenoble a été libérée à J+7 au lieu de J+90. Il en est de même pour la ville de Lyon qui a sera libérée à J+18 au lieu de J+90. Aujourd'hui, la chute de Lyon n'est plus que la question de quelques jours.

D'une façon générale, il est à regretter que les Alliés n'aient pas renforcé les F.F.I. du Sud-est comme ils l'ont fait à Saint-Marcel-en-Bretagne. En effet par enrôlement des F.F.I. Bretons dans le 1er Régiment de chasseurs parachutistes, qui a été parachuté dans la région, ce dernier a décuplé ses effectifs et ses interventions en Juin-Juillet 1944, ont "cassé" la valeur de quatre divisions Allemandes qui, de ce fait, ont été détournées du front de Normandie. Dans le Vercors aussi, les FFI ont bloqué pendant plus d'un mois d'importantes forces ennemies et leur ont occasionné des pertes sévères.

Sur tout le territoire Français, en ces mois du milieu de l'année 1944, les troupes d'occupation n'ont pu se déplacer sans se faire accrocher. Leurs convois de ravitaillement ont été désorganisés en permanence. L'Etat-major ennemi a été obligé de laisser d'importantes garnisons dans les villes. Celles-ci, dans l'inaction et la peur, se sont démoralisées. En conclusion, du fait de la Résistance, on estime que ces troupes paralysées , représentaient environ huit divisions supplémentaires.

La 1ère D.I. et la 5ème Para Allemande en Bretagne, la 175ème D.I. en Anjou et en Touraine, la Division Ostlégion dans le Massif-Central, la 181ème D.I. à Toulouse, la 172ème D.I. à Bordeaux et la 116ème Panzer autour de Paris, sans compter les forces immobilisées pour tenir ouvert le couloir du Rhône, auraient été bien plus nécessaires et efficaces à repousser les troupes d'invasion du Continent. En cela, la Résistance Française a été indispensable aux Alliés pour mener à la victoire leurs actions de débarquement en Normandie et en Provence.

Malgré tous ces points positifs, nous sommes quand même amers, car Wiese a réussi à sauver une bonne partie de sa XIXème Armée et nous sommes sûrs que nous ne manquerons pas de la retrouver un jour sur notre chemin car la guerre n'est, hélas, pas terminée.

A toutes les souffrances du courageux peuple de France, écrasé sous les bombes et l'artillerie, tant Allemandes qu'Alliées; à tous les martyrs tombés à cause de la barbarie Nazie, à tous nos déportés exterminés dans les camps SS, à tous nos soldats, avec ou sans uniforme, tombés pour délivrer notre pays; nous aurons encore à rajouter tous ceux qui donneront leur vie pour que notre pays soit totalement libre.

Tous les villages et villes sont ravagés. Les ponts ont presque tous sautés. Les voies ferrées très endommagées et le pays ruiné et pillé par les Nazis. D'Avignon à Lyon, nos routes portent les stigmates de cette lutte impitoyable. Paysages défigurés, encombrés d'épaves de toutes sortes s'étendent à perte de vue. Mais chacun respire un air nouveau : Celui de la liberté retrouvée ! !

Toutes les embuscades n'ont pas généré des accrochages avec l'occupant. Certaines ont eu pour suite des combats contre les forces Allemandes, mais d'autres, très nombreuses, se sont soldées par de vaines attentes, surtout sur de petits axes où elles avaient été tendues et où l'ennemi ne s'est pas présenté à ce moment là.

Nous tirons une leçon de ces multiples actions : C'est qu'une embuscade de nuit doit, au préalable, être bien préparée de jour. C'est au responsable de l'unité qui va attaquer, de s'assurer que les champs de tir seront efficaces, que l'ennemi n'aura aucune possibilité de fuite ou de contournement en avant ou en arrière de l'embuscade en empruntant des chemins secondaires qui lui permettront de lancer une attaque d'encerclement. Le responsable de l'embuscade doit étudier minutieusement l'itinéraire de repli de ses hommes. Si ces règles simples avaient été toujours respectées, les succès auraient été plus nombreux et moins coûteux.

A Romans, ainsi qu'à Bourg-de-Péage et à Mours, les unités s'organisent. Elles continuent de patrouiller afin d'éviter les actes de pillage de maisons provisoirement abandonnées par leurs habitants lors de l'attaque Allemande.

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A suivre...

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