Lundi 31 Juillet 1944

II fait déjà grand jour lorsque "CALVA" et sa petite troupe se remettent en marche. La nuit s'est passée sans incident notable. A part le fait que, trempés jusqu'à la taille en traversant la rivière (les pantalons n'ont pas eu la possibilité de sécher), ils attendent avec impatience que le soleil vienne les réchauffer.

Le petit groupe a pris un sentier en colonne par un. Il s'étire sur le sentier précédé, à une cinquantaine de mètres, par deux éclaireurs armés qui ont pour mission d'ouvrir la marche et de signaler le moindre danger. Le groupe est divisé en deux éléments : Ceux qui sont armés marchent en avant et ceux qui ne le sont pas, restent à l'arrière. Ces derniers doivent se replier immédiatement d'une centaine de mètres à la moindre alerte avec comme consigne : Chacun pour soi, si le combat s'engage. Il n'y a guère plus de cinq minutes que la troupe marche sur le sentier qu'un des éclaireurs rapplique en vitesse. Il vient signaler qu'une colonne non identifiée arrive en sens inverse sur le même sentier. Aussitôt l'alerte donnée l'élément de tête prend ses positions de combat et celui de queue se replie comme prévu. L'incertitude ne dure qu'un instant, car le deuxième éclaireur revient accompagné par des gars du C11. Le dialogue s'engage. Ils s'en vont dans le DIOIS pour essayer de récupérer le plus possible de gars de chez eux, restés isolés.

"CALVA" est heureux de leur dire :

"Vous tombez bien les gars, je vous les ramène. Je les ai trouvés au CHATEAU-DES-GARDES, au-dessus de ROMEYER. SANTONI, le garde forestier de ROMEYER nous a aidés à nous en sortir et nous avons réussi à passer la DROME sans dommage. Je peux vous assurer que, maintenant, vous avez des gars disciplinés. Ce n'est pas la peine d'aller dans le DIOIS car SANTONI m'a assuré qu'à sa connaissance, il n'y a pas d'autres groupes venant du VERCORS qui se trouvent dans la région. Croyez-moi, vous pouvez lui faire confiance. Il ne reste que quelques isolés qui sont sans doute rentrés chez eux, mais je ne crois pas que cela vaille la peine de prendre autant de risques pour les retrouver. Quand tout sera redevenu normal, ceux qui voudront nous rejoindre et continuer la lutte pourront toujours le faire."

Les gars du C11 proposent à "CALVA" de venir avec eux, mais celui-ci préfère continuer seul. Il souhaite retrouver les gars du C12.

"Après l'ABBAYE-DE-VALCROISSANT, j'ai rencontré "LA TRINGLE" du C12 qui m'a indiqué que "JACQUOT" (Jacques BRUNEL), lui-même du C12, était à MONTMAUR…. Alors……"

"Mais tu y es à MONTMAUR, mon gars, c'est le patelin que tu vois en dessous !" Lui répond un des Maquisards du C11.

"Dans ce cas, répond "CALVA", je m'arrête ici, "JACQUOT" va s'occuper de moi, j'ai besoin de me retaper après tout ce que je viens de subir !"

"Comme tu le veux, mon gars, merci et à un de ces jours !"

"CALVA" regarde s'éloigner ses compagnons d'aventure avec un petit pincement au cœur. Il a récupéré son sac, ses armes et tout son barda. Il se fait vite une raison en pensant que sa décision première est de beaucoup la plus raisonnable. Maintenant, il s'agit d'arriver à bon port. Il aborde un embranchement où un sentier descend vers le village de MONTMAUR; puis une ferme isolée; il apprendra plus tard que ce sont LES BATIES prés de MONTMAUR-EN-DIOIS. Non loin de là, dans un pré, un berger garde ses moutons. Fidèle à sa tactique habituelle, c'est vers lui qu'il va se diriger. Il descend très prudemment en utilisant le plus possible les couverts car il peut y avoir du Boche dans l'air. Il est tellement épuisé par le fait de n'avoir rien manger de solide depuis plusieurs jours, et par la marche incessante, que le moindre effort lui est très pénible maintenant qu'il touche au but.

A une centaine de mètres du berger, il pose son sac au pied d'un gros arbre.

Par petits déplacements, il s'approche à une dizaine de mètres de celui-ci. Il faut croire que cette approche silencieuse est un succès, car même le chien ne l'a pas repéré.

Sans se démasquer, "CALVA" engage la conversation :

"Connaissez-vous la famille BRUNEL qui doit être en ce moment à MONTMAUR ?"

Interloqué mais intéressé, le berger s'est rapproché du fourré d'où lui parvient cette voix mystérieuse :

"Pour ça, bien sûr que je la connais !"

"Pourriez-vous prévenir Jacques BRUNEL que "CALVA" a réussi à s'échapper du VERCORS et qu'il vient d'arriver ici; qu'il est blessé, mais peu grièvement et qu'il a besoin d'être secouru tellement il est épuisé ?"

Le berger amical mais soucieux de son troupeau :

"Naturellement que je vais y aller, mais mes moutons, qui est-ce qui va me les garder ?"

"Bah! votre chien les gardera bien tout seul pour un petit moment, car vous ne serez pas longtemps parti ! Je vais attendre sous le gros arbre qui est plus haut. Vous n'aurez qu'à me l'envoyer directement et merci à l'avance pour la FRANCE !"

Le berger parti, "CALVA" retrouve son arbre et attend. Au bout d'un petit moment, il voit le berger regagner son troupeau et l'attente se poursuit. Elle lui paraît interminable. Si cela n'avait pas marché, le berger serait certainement venu le trouver pour lui dire.

En effet, au bout d'un moment, il voit arriver au pas de course toute une petite troupe qui fonce vers le berger. Celui-ci leur montre du doigt le gros arbre où il attend. En quelques secondes, ils sont là et s'écroulent tout essoufflés d'avoir escaladé la montée aussi rapidement. Ils ont apporté avec eux, oh merveille! un grand panier d'osier rempli de victuailles.

Jacques, c'est visible, est extrêmement ému et heureux de le revoir :

"J'ai été très surpris quand le berger m'a dit que "CALVA" lui avait demandé de le prévenir qu'il l'attendait !.....Actuellement, il faut être très prudent, j'étais tellement incrédule que mon premier réflexe a été : Ce n'est pas possible ! puis je me suis dit que le berger n'aurait pas délaissé son troupeau pour venir me raconter une histoire, et, surtout, il n'aurait pas inventé tout seul ton surnom !.....Alors, nous avons foncé; nous avons fait tellement vite qu'on en peut plus !!"

Reprenant progressivement son souffle :

"Mais, je parle…je parle et je ne t'ai même pas demandé comment cela va ?? On t'a apporté de quoi manger; commence par reprendre des forces, après, nous verrons ensemble ce que nous allons pouvoir faire !?"

C'est étonnant comme les réflexes jouent, "CALVA" fait placer les jeunes frères de Jacques sous couvert des buissons et des arbres avant de répondre :

"Cela pourrait aller mieux; mais, après ce que je viens d'endurer, je ne dois pas me plaindre, cela aurait pu être pire !!"

Encore émerveillé de retrouver "CALVA" et de constater qu'il est bien vivant, lui qu'on croyait mort à VASSIEUX, "JACQUOT" s'exclame :

"Sacré "CALVA", tu ne changeras jamais, tu es bien un NORMAND ! Au fait, as-tu besoin d'autre chose ?"

"Voilà comment je vois les choses : Tu vas manger un bon coup et boire tout ton saoul, il y a tout ce qu'il faut dans le panier. Ensuite tu vas te reposer. Je te laisse le panier comme cela tu pourras recommencer à manger, si le cœur t'en dit. Ne te presse pas trop, après avoir jeûné comme tu l'as fait, il est recommandé de manger lentement; en plus tu as tout ton temps et surtout, ne bouge pas de là. Pour l'instant, il n'y a pas de Boches à MONTMAUR, mais, sait-on jamais ?! Là où tu es, il faut vraiment le savoir !"

Réfléchissant :

"Maintenant, je vais repartir et te laisser seul; est-ce que cela va aller ? Ne t'inquiète de rien.... je vais chercher où je vais pouvoir t'installer. J'ai ma petite idée là-dessus, mais il faut au préalable que je vois les gens pour savoir s'ils sont d'accord. Si je suis long, si tu ne me vois pas revenir de bonne heure ce soir, ne t'inquiète surtout pas, tu sais que tu peux compter sur moi !!!"

"CALVA" le sait bien, il est convaincu que "JACQUOT" fera tout pour lui venir en aide et qu'il trouvera de braves gens pour le cacher.

"Je te remercie, rien que de savoir que tu es là, cela va déjà beaucoup mieux; mais actuellement ce dont j'ai le plus grand besoin est de soigner mes blessures, je te demande.de m'apporter un petit flacon d'alcool à 90°, du coton et quelques compresses si tu le peux, pour refaire mes pansements. Je n'ai plus que des bricoles dans ma trousse à pharmacie, mais après, je n'aurai plus rien !"

"Bon ! je m'en vais, tu auras tout le temps de me raconter tes aventures plus tard, le plus urgent pour l'instant, c'est de te trouver une famille d'accueil !"

"CALVA" le regarde partir, pensant aux risques que courent ceux qui aident les Maquisards.

Suivant Jacques, les jeunes repartent, insouciants, le laissant avec le panier auquel il fait à nouveau honneur. Rassasié, il finit par s'endormir.

"BOB", lui, préfère se déplacer la nuit estimant que c'est beaucoup moins dangereux, les Allemands préférant de beaucoup effectuer leurs liaisons de jour. Aussi, dés que le soir tombe, il se met en mouvement avec ses hommes pour traverser la nationale 75 allant de SISTERON à GRENOBLE à la hauteur des villages de LALLEY et SAINT-MAURICE-EN-TRIEVES, afin de se diriger vers celui de PREBOIS.

Les Allemands qui surveillent la rivière l'EBRON, lancent des fusées éclairantes et jouent du Projecteur. Il est vrai que "BOB" et ses soixante-dix hommes ne peuvent pas passer inaperçus car il est très difficile de se déplacer en silence avec une troupe aussi nombreuse. Il réussit, malgré tout, à traverser le village de PREBOIS où cantonnent de nombreux Boches et il continue sa marche vers l'OISANS, en plein jour.

Quant à "GEORGES", il entraîne sa section en arrière, contourne ARCHIANE, pénètre sur le GLANDASSE et ne s'arrête que prés de PIE-FERRE, estimant que la traversée de la route de MENEE aux NONNIERES est trop dangereuse. Il a l'intention d'atteindre le Sud de la DROME en traversant les lignes, hors zone d'opération ennemie, entre CHATILLON-EN-DIOIS et MENSAC.

Malgré la pression ennemie, de nombreuses patrouilles de Maquisards circulent dans la nature. Les victimes sont nombreuses. Les Fritz ne font aucune différence entre Patriotes et civils, estimant à leurs yeux que s'ils ne sont pas des "TERRORISTES", ces civils aident ces derniers dans leur combat contre l'occupant. Le moindre hameau pleure ses morts.

Lors de son retour à son P.C. d'ESCOULIN, en pleine forêt, "LEGRAND" est repéré par les Boches. De très loin, ils le prennent pour cible au fusil-mitrailleur. Ils doivent être à une bonne centaine de mètres et à cette distance, ni lui, ni ses deux gardes du corps ne sont touchés. Les trois hommes continuent leur route sans encombre après avoir fait un détour pour éviter l'obstacle.

Décidément, ce grand rectangle compris entre CHABEUIL-CREST-DIE et le COL-DU-ROUSSET, reste le plus gros souci de l'Etat-major ennemi qui multiplie les opérations militaires dans le but de démanteler toute résistance et, si possible de s'emparer de l'E.M. Maquisard qu'il soupçonne être installé dans ce secteur.

Fortement attaqué à OURCHES, le Capitaine "SANGLIER" (PLANAS) est obligé de se déplacer avec la 4ème Compagnie. Prés d'EYGLUY, le Capitaine CHAPOUTAT est obligé de faire de même et, avec la 2ème Compagnie, il rejoint la 1ère qui est commandée par le Lieutenant "ROGER" (MAISONNY) en position à VAUGELAS.

Afin d'échapper à la menace d'encerclement qui se précise, les deux Compagnies font mouvement vers MIRABEL et BLACONS pour essayer de sortir de la zone d'opération ennemie. Malgré le fait que les bords de la rivière soient fortement gardés, l'objectif de ces derniers et de traverser la DROME en profitant de la nuit. Mais la tentative échoue car le réseau de projecteurs et de fusées est si dense et efficace qu'il permet aux mitrailleurs Allemands de tirer comme en plein jour. Ils sont donc obligés de se replier sur les hauteurs voisines.

Un peu plus tôt dans l'après-midi, des colonnes ennemies se dirigent vers MARIGNAC et SAINT-JULIEN-EN-QUINT, vers EYGLUYS, le COL-DE-LA-BATAILLE, par ceux des LIMOUCHES et de BACCHUS.

Plus au Sud, dans le même département de la DROME, vers COMPS, entre BOURDEAUX et DIEULEFIT, l'Aspirant MUELLE du 1er bataillon de Choc est parachuté avec sa demi-section. Le reste de la section, commandée par le Lieutenant CORLEY, a dû faire demi-tour sur BLIDA en Algérie, car l'un des moteurs de son Halifax s'est brusquement arrêté alors qu'ils arrivaient sur la zone de saut (D.Z.) obligeant le pilote à revenir à sa base de départ.

Le premier appareil Halifax a normalement parachuté ce soir là, sa demi-section. Dans la carlingue de l'appareil, l'Aspirant MUELLE et ses hommes aperçoivent très distinctement les trois feux allumés en triangle délimitant la "DROP ZONE". Ils attendent le traditionnel "GO" à l'instant où le Lieutenant Américain fait passer le feu de largage du ROUGE au VERT. L'un derrière l'autre, les quinze hommes se lancent dans le vide. Suspendus à leurs courroies, ils sont très rapidement entraînés vers le sol, car ils sont très lourdement chargés. L'atterrissage est particulièrement brutal, aussi y-a-t-il de la casse : L'un des Commandos a la cuisse fracturée; le Lieutenant CORLEY qui a reçu un coup sur la tète, est dans un état comateux; un autre a une épaule brisée et un troisième, une entorse; sans compter les multiples bleus et contusions que le reste des Commandos essaie d'ignorer devant les blessures sérieuses de leurs compagnons.

Celui qui est chargé de la réception des Commandos parachutistes est le capitaine de la France Libre HENNEQUIN qui a était parachuté préalablement. La section devait être initialement parachutée à VASSIEUX-EN-ERCORS au mois de Juin. Pour des raisons de logistique, ce parachutage a été repoussé au 6, puis au 12 et enfin au 26 Juillet 1944. Mais, dés le 23 Juillet, il était trop tard pour rejeter les troupes aéroportées Allemandes hors de VASSIEUX. On peut regretter que le Haut Etat-major Allié n'ait pas utilisé le 1er Bataillon de Choc ainsi que le régiment de Parachutiste du Colonel FAURE, pour nous venir en aide et créer une situation de panique sur les arrières de l'ennemi.

Les Commandos du 1er Choc sont bien reçus et vont rejoindre des Sous-lieutenants du B.C.R.A. qui avaient été envoyés sur le sol Français pour instruire les jeunes F.F.I.

On a pu écrire beaucoup de livres ou d'articles désobligeants sur les Combattants de la Résistance, mais ceux qui se sont permis d'écrire ces histoires, ont très souvent décrit des faits inexacts et invérifiables; ils n'étaient pas là, à leurs côtés, pour les aider quand les Patriotes, les vrais, se battaient contre l'occupant et qu'ils avaient besoin d'eux. On peut se poser la question de savoir s'ils en auraient eu le courage ??

La disproportion des forces en effectifs, matériel et entraînement des hommes est telle que les Patriotes n'ont guère que leur courage et leur volonté pour s'opposer à la barbarie inouïe d'un ennemi implacable.

Avant la mi-août 1944, hormis les parachutages de matériel, on ne vit guère l'Aviation Alliée venir à notre secours, sauf, trop souvent, pour écraser sous leurs bombes nos malheureuses populations civiles. En fait, celle-ci ne se réveillera qu'après le débarquement du 15 Août 1944 sur les côtes de Provence.

Mardi 1er Août 1944

Dans le TRIEVES, "BOB" et ses hommes arrivent à MENS (ISERE) où, après une pause, des camions les emmènent au hameau LE PERIER, au pied de l'OBIOU (2790m) et non loin de PREBOIS. C'est un endroit calme d'où le Président Casimir PERIER était originaire.

Quant à "GEORGES" et ses Maquisards, ils progressent en direction de CHATILLON-EN-DIOIS.

Dans l'Ouest du DIOIS, à six kilomètres de CREST, prés de MIRIBEL-ET-BLACONS, les deux Compagnies qui se sont repliées la veille sur les hauteurs, sont à nouveau attaquées et risquent encore d'être encerclées. "POPAUL" (Capitaine PONS), alerté, décide d'intervenir et contre-attaque. Les efforts de tous permettent de dégager les deux Compagnies qui peuvent se déplacer sur les hauteurs dominants le hameau LES BERTHALAIS prés de VACHERE.

Cherchant à se dégager de la zone des combats, un groupe de Maquisards, essentiellement composé d'officiers de grande valeur, se faufile en descendant les gorges d'ERGINS. Il s'agit du Capitaine "GODERVILLE" (Jean PREVOST, écrivain), du Capitaine "BUYSSE" (Charles LOYSEL), des Lieutenants "RAYMOND" (Jean VEYRAT) et "DE BREUIL" (André JULIEN), ainsi que le Chasseur Alpin Alfred LEIZER. Tout prés du PONT CHARVET, les Boches, cachés dans des buissons, ouvrant le feu à bout portant, tuent net les trois hommes de tête et font prisonnier les deux autres qu'ils fusillent par la suite.

Dans le centre Sud du département de la DROME, le commandement F.F.I., craignant que les Allemand n'attaquent au Sud de la route CREST-DIE comme ils l'ont fait au Nord de celle-ci, demande au Commando du 1er Choc, récemment parachuté, de prendre position aux ROCHERS-DE-FRANCILLON qui dominent la D538 près de SAOU, afin d'y établir un bouchon. Il est convenu qu'ils recevront des renforts F.F.I. Ils restent sur place une journée et demie sans voir âme qui vive", ni ennemi, ni F.F.I. Ils ne reçoivent aucun renfort, ni ordres, ni ravitaillement. Bouillants d'impatience, ils sont amers, déçus et pestent, car s'ils se sont engagés dans le 1er Choc c'est pour en découdre avec les Boches.

En définitive, ils seront affectés à la 16ème Compagnie sous les ordres du Lieutenant BEAUMONT, parachuté le 30 Juillet 1944 par le B.C.R.A. Mais pour l'instant, ne voyant rien venir, l'Aspirant MUELLE se décide à faire une patrouille nocturne à CREST. Ne rencontrant que volets clos, il revient sur ses positions de FRANCILLON où il restera jusqu'au 13 Août 1944.

Que se passe-t-il du côté de BARNAVE en cet après-midi du 1 Août 1944 ?

"CALVA" voit arriver un messager envoyé par "JACQUOT" afin de lui annoncer que "PARECHOCS" vient d'arriver. Il a trouvé un hébergement chez monsieur le Maire de MONTMAUR-EN-DIOIS. Fou de joie à cette nouvelle, il part immédiatement à MONTMAUR pour rencontrer son grand copain NORMAND. Il le trouve amaigri, mais souriant comme à l'habitude, habillé en paysan, il est occupé à séparer le grain de la paille en menant par la bride un cheval qui tire un rouleau métallique tournant autour d'un piquet central, à pas réguliers et lents.

Après la joie des retrouvailles et les embrassades, c'est autour d'un pot de l'amitié que "PARECHOCS" raconte ce qui lui est arrivé.

Après la disparition de "CALVA" à VASSIEUX, comme les autres du C12, il ne pensait pas le retrouver dix jours plus tard à MONTMAUR. Quant à lui, il a eu beaucoup de chance de s'en sortir indemne. Au moment où ils ont reçu l'ordre de dispersion, il était au COL-DU-ROUSSET. "LA TORNADE", "LA LUNE" et lui ont décidé tenter de rejoindre le TRIEVES. Pour cela ils pensent pouvoir passer par le COL-DES-BERRIEVES. Mais, hélas, ils tomberont directement sur une mitrailleuse ennemie en embuscade. "LA LUNE" mortellement atteint au foie, décédera dans la nuit. Dans l'accrochage "PARECHOCS" lui, n'a été que légèrement blessé au mollet gauche par une balle qui lui a creusé un sillon dans le gras. Mais la plaie est saine, elle ne s'est pas infectée et il n'a même pas besoin de pansement.

Constatant qu'il n'a plus aucune chance de rejoindre le TRIEVES, il va essayer de rejoindre le DIOIS. Et là, il réussit à revenir à ROMEYER et il emprunte le même chemin que "CALVA" par l''ABBAYE-DE-VALCROISSANT.

A compter leurs aventures, "PARECHOCS" et "CALVA" ne s'aperçoivent pas que la nuit est déjà arrivée. Ils se quittent et chacun retourne chez les personnes qui se sont chargées d'eux. Par les champs, longeant les haies et sautant les talus, "CALVA" regagne BARNAVE où ses hôtes l'attendent avec anxiété.

Mercredi 2 Août 1944

Prés de SAINT-JEAN-DE-SAULT, un terrain d'atterrissage à peu prés plat a été appelé "terrain SPITFIRE". Très tôt ce matin là, trois LYSANDERS assurant les liaisons avec ALGER, se posent tour à tour. Ce sont des petits avions pouvant atterrir sur des terrains courts et rudimentaires. Ils embarquent à leur bord; outre des soldats Américains dont un malade, des aviateurs Alliés abattus par l'ennemi et récupérés par la Résistance, "JOSEPH-FAISCEAU". Ils décollent sans aucun problème et vont se poser à CALVI en CORSE.

Dans la matinée, les Alliés prennent VILLEDIEU-LES-POELES (MANCHE) et progressent également sur cet axe.

A DIE, les soldats de la Wehrmacht sont remplacés par des "Mongols" portant sur le bras, les uns un écusson "TURKESTAN", les autres "AZERBAÏDJAN". Le bruit court qu'à SAINT-DONNAT ainsi qu'à CREST, ils ont tué et violé. La population est terrorisée.

Dans le DIOIS, "GEORGES", sur le GLANDASSE, venant de PIE FERRE avec une trentaine d'hommes, arrive au BEZ. Ce torrent descend en cascades successives vers CHATILLON-EN-DIOIS. A cette époque de l'année, son eau est trouble et boueuse. Les Maquisards devront s'en contenter. Ils sont épuisés par la longue course qu'ils viennent d'effectuer le ventre quasiment vide. Ils prennent le risque de traverser la route qui passe au-dessus de CHATILLON pour se diriger vers MENSAC. Puis, ils s'arrêtent à RAVEL pour cantonner.

Dans l'OISANS, "BOB", arrivé la veille au hameau LE PERIER avec ses hommes et "VILLARD", se met à la disposition du Capitaine "CLAIR" (MUGNIER) qui lui confie la mission de défendre LA-BARRIERE-d'ENTRAIGUES. Ils ont la joie d'y retrouver le Lieutenant BLANC, héros rescapé de la grotte du PAS-DE-L'AIGUILLE.

Dans la Vallée du RHONE, en fin de matinée, les Alliés bombardent la ligne de chemin de fer du P.L.M. à ETOILE et prés de LORIOL, villages situés tous les deux au Sud de VALENCE. Hélas, comme d'habitude, les civils paient un lourd tribu. On dénombre onze personnes tuées et de très nombreux blessés. Tous les objectifs visés ne sont pas atteints loin s'en faut, mais il y a pourtant de très nombreux dégâts : Voies coupées, wagons détruits ou endommagés.... Mais encore une fois, la Résistance signale qu'il aurait été beaucoup plus efficace que ce soit elle qui fasse sauter ponts et voies ferrées. De toute façon, les Fridolins réquisitionnent des civils Français pour procéder aux réparations.

Dans le ROYANS, à la suite de multiples blessures provoquées par l'explosion d'une mine, l'Adjudant Fernand OLIVIER qui était sous les ordres du Capitaine Vincent BAUME, se trouve toujours alité dans l'établissement de la PROVIDENCE des Sourds-Muets à SAINT-LAURENT-EN-ROYANS. Un officier Allemand vient enquêter sur la présence des blessés que les sœurs soignent. La mère supérieure essaye bien de faire passer ceux-ci pour des civils atteints lors d'un bombardement, mais le Boche circonspect, relève néanmoins leurs noms avant de prendre congé. La supercherie est vite découverte car, hélas, Mireille "PROVENCE", la maitresse de l'Oberleutnant SELBRICH, lors de son internement à LA-CHAPELLE-EN-VERCORS, a réussi à relever sur un petit carnet noir, tous les noms des chefs Maquisards qu'elle a rencontrés pendant sa détention. Encore une terrible imprudence qui coûtera très cher à la Résistance. Dans l'après-midi, les Nazis viennent le chercher pour l'emmener à SAINT-NAZAIRE-EN-ROYANS où il est froidement abattu.

En forêt de LENTE, les patrouilles de Cuirassiers du 11ème Cuir de "THIVOLLET" sont en contact permanent avec les patrouilles Allemandes. Au cours de l'une d'elle, les nôtres retrouvent le Maréchal des Logis Lucien LE GOFF atrocement mutilé. Ils constatent qu'il a été frappé jusqu'à ce que mort s'en suive à coups de crosse de fusil ou à l'aide de bâtons. Un peu plus loin, ils découvrent les restes du Cavalier Adolphe ISSARTEL, dont le corps est transpercé de multiples coups de baïonnette et le Cavalier Gaston BALLADA, décapité. La découverte de ces atrocités ne fait qu'accentuer la détermination et la rage de vaincre des gars du 11ème Régiment de Cuirassiers.

Malgré le blocus exercé par les troupes Allemandes tout autour du VERCORS, le camp de "THIVOLLET" est quand même ravitaillé. C'est le Lieutenant BEAUMONT et ses hommes, aidés en cela par monsieur le Maire Emile BONNET de SAINT-LAURENT-EN-ROYANS qui, de nuit, parviennent jusqu'au camp avec le peu de ravitaillement qu'ils ont pu rassembler. Etant donné le nombre important de Maquisards regroupés autour de "THIVOLLET", malgré les efforts de tous, la faim omniprésente tenaille les gars et certains espérant s'en sortir mieux par eux-mêmes et ailleurs tentent de regagner la plaine. Bien peu y réussiront.

Dans le département de la DROME, au Sud de DIE, un calme relatif règne. A MONTMAUR-EN-DIOIS, à BARNAVE, il n'y a aucun Felgrau et aucun ne viendra déranger les habitants et leurs hôtes. Ceux-ci ne se trouvent qu'à quelques kilomètres de la route D93 qui longe la DROME et relie SISTERON à la vallée du Rhône par LE COL-DE-CABRE en traversant le village de LUC-EN-DIOIS et en passant par la ville de DIE. Malgré leurs effectifs très importants, les Allemands ne peuvent agir qu'en dégarnissant d'autres points. Comme l'insurrection gronde dans toute le FRANCE, ils sont engagés militairement, non seulement contre les Résistants de la DROME et de l'ISERE, mais sur l'ensemble du territoire Français. On trouve même des Maquis aux portes des grandes villes telles que MARSEILLE.

Les Français qui ont misé sur la victoire Nazie, tels les Miliciens et les collaborateurs, ne se font pas faute de renseigner les Allemands sur la Résistance. Les troupes Allemandes sont sur le qui-vive en permanence, depuis le 6 Juin, jour du débarquement en NORMANDIE. Du fait de la Résistance, ils peuvent difficilement dégarnir le Sud de la FRANCE pour renforcer leurs troupes qui combattent en NORMANDIE. Ils se voient dans l'obligation d'engager des actions contre la guérilla à chaque instant et à chaque tournant, ce qui les rends très nerveux et impitoyables.

A chaque intervention, ils massacrent blessés et prisonniers. Ayant pour eux la supériorité matérielle, numérique et surtout, ayant plusieurs années d'entraînement à la guerre, ils ont très souvent le dessus sur les nôtres. Ils sèment la terreur dans la population. Ils déportent ou exécutent sous le moindre motif ou même, sans le moindre motif afin de dissuader les civils de venir en aide sous quelques formes que ce soit aux combattants de l'ombre. S'il y a des traitres, des lâches ou des indifférents - Il y a de quoi avoir peur - il y a aussi beaucoup de héros anonymes qui risquent leur vie et celles des leurs pour venir en aide aux Maquisards. Grâce à eux, de nombreux Patriotes peuvent survivre.

A BARNAVE, chez les SECOND, "CALVA", pour la sécurité de tous, reste le moins possible à la ferme, et, dans les champs, il nettoie les lavandins. Il ne sait pas si ce travail est très nécessaire aux SECOND, mais des champs, il lui est plus facile de surveiller les allées et venues d'éventuels indésirables et il pense ainsi pouvoir éventuellement prendre le large. De temps à autre, en essayant de ne pas se faire remarquer, il va faire un tour à la cache où il a planqué son matériel et ses armes. Comme beaucoup de Maquisards, il attend l'heure de la revanche et souhaite les retrouver au bon moment à l'endroit où il les a cachés.

Jeudi 3 Août 1944

Sur le plateau du VERCORS, les combats se sont déplacés. A l'ouest de celui-ci et à l'aube, les Fritz encerclent, à LA-ROCHETTE-SUR-CREST où leur présence leur a été signalée par traitre, les Maquisards de la 1ère Compagnie du 2ème Bataillon. Attaqués de toute part, ils livrent un combat désespéré. Dix Patriotes tombent. Ils sont, soit abattus en combattant, soit achevés sans pitié. Cinq autres qui avaient réussi à se cacher, seront dénoncés par des collaborateurs et fusillés à SAINT-NAZAIRE-EN-ROYANS.

Dans le TRIEVES, à MONESTIER-DE-CLERMONT, au cours d'un combat très brutal, les Allemands perdent plusieurs des leurs.

Partis d'ORIOL-EN-ROYANS et progressant vers le COL-DU-PIONNIER, une importante colonne ennemie d'une valeur de deux Compagnies, accroche des Maquisards. Heureusement, ceux-ci ont le temps de se replier au complet. Les Nazis déçus, se vengent de ce demi-échec en abattant un fermier qui était en train d'atteler ses chevaux.

Le docteur GANIMEDE, dés le 26 Juillet, devant la menace qui se précise de voir la GROTTE-DE-LA-LUIRE découverte par les Nazis, a conseillé à deux blessés très sérieusement atteints mais pouvant, malgré tout, se déplacer avec des béquilles et beaucoup de volonté, d'essayer de fuir afin de se réfugier dans une autre grotte beaucoup plus petite et peu profonde, située à une trentaine de mètres environ au-dessus du poste de secours constitué dans la GROTTE-DE-LA-LUIRE elle même. Malgré leur jambe raide, coincée dans leur revêtement de plâtre, Oswald BUSCA, dont une balle avait fracturé la jambe gauche lors des combats de SAINT-NIZIER-DU-MOUCHEROTTE et Roger ARNAUD qui avait sauté sur une mine dans les bois d'HERBOUILLY et avait la jambe droite très endommagée lorsque les Sénégalais, en patrouille, le trouvèrent; réussir, à gagner ce nouveau refuge avec l'aide précieuse et courageuse d'une infirmière nommée "LULU" (Lucie JOUVE).

Tous les trois échapperont à la tuerie qui suivit la découverte de la GROTTE-DE-LA-LUIRE, n'ayant pas été découverts par les S.S. Trois autres blessés (SEGUIN, CAMPI et Georges GUIGNE) en réchapperont aussi car ils auront la bonne idée de quitter la grotte le 27 Juillet 1944 juste avant l'arrivée des Allemands.

Les trois rescapés décident de se séparer et d'abandonner la petite grotte où ils se sont réfugiés. La décision a été prise pour 2 raisons : Premièrement, ils n'ont plus rien à manger. Deuxièmement, "LULU" souffre terriblement d'une inflammation des ganglions de l'aine due à l'humidité. Ils se font donc leurs adieux. "LULU" réussit à arriver jusqu'aux CHABERTS où elle est secourue par madame et monsieur JARRAND. Comme le 27 Juillet, monsieur JARRAND a été témoin du massacre des blessés invalides exécutés par les S.S. sur le terre-plein situé au-dessous de la grotte, il est tout heureux de retrouver une des valeureuses infirmières.

Quant à BUSCA et ARNAUD ils retrouveront l'Adjudant LIOTARD et une section de la 2ème Compagnie du 6ème B.C.A. dans un bois non loin du MONT-AIGUILLE. Parmi les hommes de la section, ils auront la surprise de retrouver Georges GUIGNE et Henri RAMBAUDI, deux autres blessés partis de la grotte comme eux.

Quelques temps après, la section se divise en deux groupes. ARNAUD se joint à une vingtaine de gars qui se dirigent vers l'OISANS. L'Adjudant LIOTARD, lui, accompagné par une quinzaine de Chasseurs, laisse les blessés dans une ferme de la RICHARDIERE, hameau situé prés de CHICHILIANNE d'où une infirmière particulièrement courageuse monte journellement et très régulièrement pour les soigner et les ravitailler. Cette action est particulièrement remarquable lorsque l'on connaît la présence des Nazis à la DONNIERE, hameau contigüe de celui où les blessés se cachaient.

Dans le sud DIOIS, de son côté, "GEORGES" et ses hommes, partis de RAVEL avant l'aurore, peuvent se restaurer grâce à la solidarité d'un courageux fermier. Puis, après s'être reposés dans les bois, ils franchissent le COL-FARGET pour rejoindre le hameau LES GALLANDS où la population les accueille très chaleureusement. Ils sont approvisionnés pour le repas de midi et repartent en fin d'après-midi vers MISCON. Le chemin reliant LES GALLANDS à MISCON étant relativement aisé à parcourir, il ne mettent guère que quatre heures pour y arriver. Ils cantonnent aux environs de MISCON, dans une remise, jusqu'au lendemain matin.

En CORSE, pendant ce temps, "JOSEPH" s'envole de CALVI pour AJACCIO où il embarque pour ALGER. Il fait une escale à SASSARI et une autre à GAGLIARI en SARDAIGNE. En arrivant à ALGER, il se rend très vite compte que les bureaux d'ALGER désirent connaître la situation en FRANCE et dans les Alpes en particulier, mais il ne trouve aucun responsable susceptible de lui expliquer quelles ont été les raisons exactes de l'abandon du VERCORS au moment décisif. Il demande à être reçu par Jacques SOUSTELLE afin de lui demander de l'appuyer pour obtenir un entretien avec le Général DE GAULLE.

Ce même jour en fin de journée, l'aviation Alliée bombarde à nouveau les voies ferrées à PORTE-LES-VALENCE.

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Suite...

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